Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

08.08.2008

Autodidactes du Périgord

Aurochs de lascaux.jpgEt puis si vous passez par le Périgord, n’oubliez pas qu’à côtés des aurochs et des préhistoriens, il y a toujours dans cette région gastronomystérieuse «des individus qui collent à cette terre comme on colle à sa peau».

Je fauche ce bout de phrase à le 4e de couverture du livre de Jean-Luc Thuillier qui a l’amabilité de nous faire faire la connaissance de quelques uns de ces autodidactes de l’art qui «sont allés vers la peinture ou la sculpture par accident autant que par instinct».

 

couv art en périgord.jpg

Arts et singuliers de l’art en Périgord, c’est comme ça qu’il s’appelle son bouquin, paru aux Editions Gold à Savignac-les-Eglises. Il est préfacé par le cher Jean L’Anselme, ce qui a tout de suite mis la puce à l’oreillette de votre petite âme errante. Tout est pas brut brut, à l’intérieur, il s’en faut. C’est l’inconvénient du genre corpus régional. Il faut bien en trouver assez. On y rencontre Louis Bouscaillou et Jean-Joseph Sanfourche, bien connus de par chez eux, un autre Sanfourche (Alain) et un deuxième Debord (Marcel). A boire et à manger, à chacun de faire son choix.
Moi j’ai recroisé le chemin de Pierre Rapeau qui faisait son land-art perso dans les bois d’Abjat.
Surtout, j’ai eu la bonne surprise d’y trouver une notice sur les réalisations, rustiques de chez rustique, de Jean Dominique (1900-1978).

jean dominique 1.jpg

portrait jean Dominique.jpgUn agriculteur qui fabriquait gens, animaux et chariots de sa campagne, sans autre tralalala que le bon air  et le soleil qui les avaient vu naitre. 

CF n°1.jpgA part Riczko Joe qui avait consacré, il y a des lunes (en 1990), un article du premier numéro de la revue Création Franche à ce petit sculpteur de l’essentiel, je n’avais encore jamais vu personne s’intéresser à lui. On peut voir pourtant pas mal de ses pièces au musée bèglais de la CF. L’ouvrage du Jean-Luc est pas tiré à beaucoup : 500 exemplaires en tout mais il doit en rester encore et pour le prix (21 euros) il est numéroté et signé Thuillier.

Jean Dominique 2.jpg

 

17:45 Publié dans Lectures, VU SUR ANIMULA | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : art brut, jean dominique, pierre rapaud | |  Imprimer | | Pin it! |

03.08.2008

Quel est ce spectre ?

 

couv spectre.jpg

 

Quel est ce spectre ? Vous pensez bien qu’à peine je l’ai vu, je lui ai sauté dessus. Il gisait là, ce vieux numéro de Sciences et Voyages parmi un tas de vieux papiers dans une de ces crasseuses brocantes de je ne sais plus quelle sous-préfecture dont je raffole. Il n’attendait que votre petite âme errante pour ressusciter des morts et c’est chose faite grâce à la magie d’Internet.
C’est bien sûr pour sa crevante couverture alien que je l’avais HT mais bien m’en a pris puisqu’en feuilletant l’intérieur, j’ai découvert un article tout de même pas d’hier sur le Palais idéal du Facteur Cheval.

article facteur Cheval titre.jpg

Il n’est pas cité (avis à la population thésarde!) dans la Biblio de la grosse somme de Jean-Pierre Jouve, Claude et Clovis Prévost sur le Palais I, rayon des «articles publiés après la mort du facteur».
L’auteur André Lejard, un critique d’art qui a bossé sur les Tapisseries de l’Apocalypse d’Angers et sur la Tapisserie de Bayeux, était aussi le rédac-chef de S. et V. Au sommaire il voisine avec Léonard de Vinci, ingénieur militaire, Les Derniers Aïnous (par A. Leroi-Gourhan), Les Villes mortes des Andes péruviennes, Quelques insectes aux mœurs étranges.

Pas mal quand même, compte tenu de la date où c’est sorti : octobre 1941.

11:25 Publié dans Gazettes, Glanures | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : art brut, ferdinand cheval | |  Imprimer | | Pin it! |

27.07.2008

L’art outsider à la pompe

«Allez les filles, c’est encore possible!», lis-je sur mon paquet de cornflakes du petit déj.

Possible de quoi ? Mais de rentrer dans mon itsi-bitsi petit bikini!

salade verte.jpegC’est pas gagné mais comme je n’ai pas ma pareille pour vous débiter des salades, je ne désespère pas de me contenter d’en manger quelques feuilles - et c’est tout - pendant la semaine qui nous sépare du grand rush aoûtien. C’est vous dire que je vois la vie en vert.

Aussi n’ai-je point été trop esbaudie de voir monsieur Pascal, le libraire de la Halle Saint-Pierre, déballer sous mes yeux une cagette d’appétissantes plaquettes d’un vert frais à cœur. J’ai reconnu tout de suite Singular Visions, the essence of Ousider Art, le bouquin japonais sur lequel j’avais flashé à Genève lors de ma visite à la Galerie Une Sardine collée au mur.

singularcover.jpg

La couverture est belle à tomber avec sa tache en miroir où vous pouvez vérifier au passage si vos charmantes joues de pêche n’ont pas sournoisement pris 200 calories. Et puis c’est pas tous les jours qu’on peut harmoniser ses lectures à son régime, alors j’ai acheté ce très classieux ouvrage  avec ses beaux effets de pages façon laque rouge, bijou en jade et impression jaune sur fond noir, même si, comme son nom l’indique, il est plus question là-dedans d’art dit singulier que d’art brut pur huile d’olive.

affiche expo miyawaki.jpg

Edité par la Galerie Miyawaki de Kyoto, ce livre accompagnait une expo que j’ai su trop tard qu’elle se terminait le 15 mai 2008. Elle présentait au public japonais 13 «artistes autodidactes» européens «qui tiennent la réalité à distance et lancent sans cesse leur défi amer».

salminen.jpg

Parmi eux, j’ai retrouvé avec plaisir le Finlandais Ilmari «Imppu» Salminen et découvert avec intérêt les books en accordéon de Gene Mann.

gene mann livre.jpg

Il y a aussi là-dedans des peintres et dessinateurs dont la carrière artistique est maintenant solidement établie : Carol Bailly, François Burland, Ignacio Carles-Tolrà, Kurt Haas et d’autres qui travaillent encore à l’établir : Claudine Goux, Danielle Jacqui, Jean-Pierre Nadau, Gérard Sendrey. Ce dernier s’est chargé de la préface, parfaitement lisible puisque Yutaka Miyawaki, l’éditeur, a eu la courtoisie de joindre des traductions en anglais et en français.

singularvisionsbook.jpg

23:26 Publié dans Expos | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : ilmari salminen, art brut, gene mann, outsider art | |  Imprimer | | Pin it! |

22.07.2008

« Irregolari » : 8 créateurs d’art brut siciliens

couv livre Irregolari.jpgEnfin, ça y est, je l’ai reçu. Je commençais à bouillir parce que, depuis sa sortie, fin mai 2008, je faisais des pieds et des mains pour me procurer : Irregolari. Merci à Kalos, son éditeur palermitain. Il a eu pitié de votre petite âme errante et lui a propulsé cet ouvrage d’Eva di Stefano dans sa boîte aux lettres et à malices réunies. Irregolari, c’est pas trop dur à traduire, je pense, pour les Animuliens francophones qui sont familiers des «indomptés», des «indisciplinés» et autres «inspirés». Et pour ceux qui auraient la comprenette difficilette, le sous-titre du bouquin de l’historienne (et critique) d’art italienne est assez limpide : Art Brut e Outsider Art in Sicilia. O.K., vous captez le truc ? La monographie de la Signora di Stefano comble une lacune. A partir d’un socle théorique que j’ai sauté pour le moment car j’attends d’avoir un bon dico, elle s’attaque à cette «terra matta», la Sicile. Avec sa longue tradition pleine de mythes, d’archéologie, de drames et d’immigrations  (très tendance en ces temps unionistes et méditerranéens) cette île fascinante devait fatalement recéler son lot de «visionari, illetterati, eccentrici» adeptes d’un art spontané, vivace et irrépressible.

Filippo Bentivegna.jpgEva di Stefano a eu la bonne idée de se borner à nous en présenter 8, choisis parmi les cas les plus intéressants. Tous des hommes, nés pour la plupart dans les 30 premières années du 20e siècle.

Si j’excepte Filippo Bentivegna dont vous avez déjà pu visiter le Castello incantato le 21 mai 2008 sur mon considérable blogue, je vous recommande également :
Francesco Cusumano qui a commencé l’art par une sculpture qu’il avait vue en rêve

Francesco Cusumano portrait.jpg
 
Francesco Cusumano site.jpg

Rosario Santamaria et ses chiens de pierre, pour qui, selon Eduardo Rebulla «l’arte aveva una funzione eminentemente autoremunerativa»

Rosario Santamaria chiens de pierre 2.jpg

Francesco Giombarresi, dandy aux géométries piranésiennes

Francesco Giambarresi 3.jpg
Francesco Giombarresi 2.jpg

Sabo (pseudo de Salvatore Bonura) et son univers pictural peuplé de sortilèges sensuels qui apparaît à Michel Thévoz, dans une lettre à Eva di Stefano de mars 1982, «come la proiezione drammatica di un mondo interiore tormentato»

Salvatore Bonura ou Sabo.jpg

Gaetano Gambino, ses paysages préhistoriques et son monde plus pétrifié que celui de Max Ernst

Gaetano Gambino.jpg

Giovanni Abrignani qui ne dessine pas comme un enfant mais est plutôt à l’écoute de l’enfant qui est en lui

Giovanni Abrignani.jpg
Giovanni Abrignani 2.jpg

Giovanni Cammarata et sa «casa degli elefanti» a Maregrosso, un faubourg de Messina

Giovanni Cammarata éléphant.jpg

Bien entendu, il y a une foule d’autres pistes à suivre dans les Irréguliers d’E. di Stef. Comme elle a déjà écrit des tas de choses sur l’art européen des 19e et 20e siècles et sur l’avant-garde en Sicile, sa documentation tient la route, tant sur le plan culturel que «contre-culturel» (pour aller vite). Et puis, dans une dédicace à son père Guido di Stefano, «storico dell’arte e siciliano elegante», elle nous confie, en petits caractères très discrets : «Dedico questo libro, che per molti motivi a me è il piu caro (…)».

Toutes les photographies sont empruntées à l'ouvrage : Irregolari 

07.07.2008

Halle St Pierre : 2 en 1

invit british outsider.jpgY’ a pas que chez les Genevois qu’on rencontre des problèmes de mitoyenneté entre l’étage et le rez de chaussée. A Paris, où l’immobilier se défend encore, je vous invite -cadeau Bonux- à visiter un grand duplex au pied de Montmartre. J’ai nommé La Halle Saint-Pierre où se tient l’exposition British Outsider Art et son volet d’altitude : Eloge du Dessin.carton invitation dessins HstP.jpg

Autrement dit : 2 présentations bien distinctes car les responsables de ces accrochages (Martine Lusardy et Julia Elmore en bas, M.L. toute seule en haut) ont eu beau se décarcasser, les choses ne fonctionnent pas vraiment ensemble. Mais c’est toujours comme ça avec un lieu si tarabiscoté. Les deux espaces sont trop loins l’un de l’autre pour que le visiteur ne perde pas le fil.


Interview de Martine Lusardy - Halle Saint Pierre - Paris

En attendant un réaménagement général de l’archi intérieure qui permettrait aux commissaires de donner toute leur mesure, on souhaiterait presque -mais bon, ouam, ce que j’en dis…- que le premier étage restât vide. On y conduirait le public pour qu’il y jouisse d’une minute de silence après la salve nourrie à laquelle on l’aurait exposé au rez-de-chaussée.
Madge gill.jpg

C’est que ça crépite dans la salle noire où l’on nous confronte à un concentré d’art brut britannique. British Outsider Art s’ordonne certes autour d’une colonne vertébrale dont les principales vertèbres («Animula où va-tu chercher des images pareilles ?») sont connues : Scottie Wilson, Madge Gill, Albert Louden. On admire leurs pièges à rêves, leurs dentelles d’encre, leurs personnages à l’hélium qui se dégonflent et puis on passe à des pièces jamais vues chez nous (principalement dessins et tableaux) et provenant pour beaucoup des archives d’hostos psy, notamment le fameux Bethlem Royal hospital of London.

Jonathan-Martin-The-Lambton.jpg

De ce dernier provient le colérique dessin de Jonathan Martin qui orne le carton de l’expo. J. Martin (1782-1838) y fut enfermé après avoir foutu le feu à une église d’York.

Andrew Kennedy,Highlands Bull, Anon Lamlash Face 1887, encre, graphite et crayon, 30,6x21,9cm, Lothian Health Services Archive, Edinburgh University Library.jpg

Du Royal Asylum de Glasgow nous arrivent, comme des balles, les acérés dessins d’Andrew Kennedy qui fut interné là de 1877 à sa mort en 1899. Seuls 34 de ses œuvres ont été conservées sur des milliers mais c’est déjà ça.

Nick Blinko, Dr Fritz O'Skeenia, vers 1998, encre sur papier, 11x16cm, Henry Boxer Gallery copie.jpg

Je me suis usé les yeux à suivre les écrits fanatiquement minuscules de Nick Blinko, guitariste punk né en 1961,

vonn ströpp.jpg

les chaotiques et fantasmagoriques peintures de Vonn Ströpp (né en 1962), l’homme au 123 pseudos.

Anonyme; Policeman and Cattle. Encre sur papier. Scotttish Collection of Art Extraordinary copie.jpg

N’oubliez pas votre coussin pour vous mettre à genoux devant les travaux anonymes (comme ces vaches au policeman) et pour lire les cartels qui sont placés à hauteur des rotules. Pour le reste, le catalogue qui coûte que 20 thunes vous en dira plus. Celui du first floor est plus cher. Comme je ne kiffe pas entièrement cet Eloge du dessin (pourtant de qualité) je m’en suis passée mais c’est pas une raison pour faire comme moi.

Adolphe Vuillemot2.jpg

Ne serait ce que pour les compositions en couleurs d’Adolphe Vuillemot, «ouvrier, forgeron, ajusteur», limitrophes de l’art brut et de l’art pop, on peut se l’offrir.

28.06.2008

Une Sardine à la découverte


logo sardine.jpg

La Sardine ne fait pas de vagues. Elle n’ambitionne pas de boucher le port de Genève. Depuis la rue des Bains, elle part tranquillement à la découverte de 4 créateurs, «encore peu ou pas connus du public, mais dont certains font déjà partie de la Collection de l’Art Brut à Lausanne et de quelques prestigieuses collections privées».

Morf 1.jpg

Parmi ces mousquetaires, j’ai aimé surtout les dessins de Jakob Morf, un ouvrier agricole suisse (on est en Suisse) qui toutes les nuits, dans la maison de retraite où il passait la sienne, couchait délicatement ses rêves et ses impressions diurnes sur des blocs de papier quadrillé tout ce qu’il y a de plus ordinaires. Quand il en eut accumulé beaucoup, son travail fut exposé et il vendit, ce qui lui permit de se payer une folie : le survol en avion de la chaine des Alpes.

jakob morf portrait.jpg

C’est Flora Berne, la galeriste de La sardine collée au mur qui m’a expliqué tout ça, d’abord avec une réserve bien compréhensible avec la canicule qui nous était tombée soudainement sur le coin du lac et puis en s’animant progressivement au fur et à mesure qu’elle se passionnait pour ses poulains :

gabrielle decarpigny.jpg

Gabrielle Decarpigny et ses compositions, cernées fragmentées-imbriquées qui m’ont fait penser aux marbrures savantes du peintre radiesthésiste Jules Godi,

 

charles boussion.jpg

Charles Boussion et la virtuosité de ses jeux de perles (un peu trop) psychédéliques,

 

ilmari salminen.jpg

Ilmari Salminen et sa forêt de signes finlandais où il emprisonne des portraits. De celui-là, Flora me montra le portrait dans son atelier, une photo de Veli Granö, publiée dans le n°59 de Raw Vision et je n’ai plus eu de doute sur sa brutitude.

ilmari salminen portrait.jpg

Mais j’en revenais toujours  au bon Jakob Morf tant j’étais bluffée à la fois par l’évanescence de son propos et par sa volubilité multicolore.

Morf 2.jpg

Les doigts de Flora Berne, pour trouver le mot juste, dessinaient en l’air des guillemets imaginaires et votre petite âme errante n’en finissait pas de poser et de déposer son chapeau de paille n’importe où sauf sur sa tête en nage.
Si vous croyez que c’est facile de rendre compte de cet effacement d’une personnalité devant la poésie du monde, par les moyens sans cesse renouvelés de la couleur, allez-y ! Aller voir l’expo de la Sardine mais attention ça se termine le 5 juillet déjà.

11:29 Publié dans Expos | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : art brut, jakob morf, gabrielle decarpigny, charles boussion, ilmari salminen | |  Imprimer | | Pin it! |

22.06.2008

Lesage, Trenkwalder : confrontation à la Maison rouge

«L’œil du collectionneur» est dans la Gazette de l’Hôtel Drouot n°24 (20 juin 2008) et il nous regarde par le biais d’un portrait de Bruno Decharme accompagné de ses «propos recueillis» par Geneviève Nevejan. Un long métrage est sur le gaz, le marché de l’art brut U.S. est florissant, «George Widener (…) mémorise les dates des catastrophes aériennes depuis quatre cents ans (…)». Rien de vraiment neuf dans cet entretien, si ce n’est qu’il marque l’émergence d’un concept tout droit sorti du chapeau de l’article, celui de collectionneur-conseil : «le cinéaste est depuis vingt-cinq ans l’observateur des artistes mais aussi le conseiller du marché de l’art brut».

Des œuvres d’Augustin Lesage appartenant à Monsieur Decharme  figurent dans l’exposition qui commence à la Maison rouge à Paris.

catalogue lesage maison rouge.jpg

Et là, votre petite âme errante pousse son cri primate : «iiiiiiiiiiiiiiiiii». Elle y est allée et elle en est toute retournée. Des accrochages de cette qualité, vous êtes pas prêts d’en voir souvent. J’étais partie boulevard de la Bastille avec mes préjugés en bandoulière, bougonnante contre la détestable mode qui consiste à fourrer les pépites de l’art brut et l’orfèvrerie chichiteuse de l’art contemporain dans le même sac. Je croyais me farcir encore le mariage de la carpe et du lapin, du bouquetin Van Dongen et d’Hélène Smith, la gazelle de l’au delà et puis je suis tombée sur le troublant binôme Augustin Lesage/Elmar Trenkwalder. andrea blum birdhouse café.jpgJe suis restée scotchée. Un orage pouvait tomber sur la cage des tourterelles (Birdhouse café) près de la salle principale, j’ai du me rendre à l’évidence. Là il se passe quelque chose. La confrontation des deux univers produit, mieux que du dialogue, des questions au spectateur.

Comme je connais mieux les œuvres de Lesage que celles de Trenkwalder qui s’exprime par des assemblages de céramiques émaillées, serpentines, fluides, torsadées et colorées, c’est d’abord les tableaux du mineur que je me suis mise à looker avec un max d’intensité.

expo détail.jpg

La présence perturbante des stèles de guimauve, des totems phalliques épluchés de l’artiste autrichien me conduisant à redécouvrir les larves blanches qui roulent en vague dans certaines des toiles de Lesage.

trenkwalder - lesage 2.jpg
expo détail 2.jpg

Inversement la contemplation de ses vertigineuses symétries est comme stabilisée par les structures architecturales de Trenkwalder, moitié mobilier d’église baroque, moitié palais martien. Dans une salle en bas un petit format de Lesage avec 2 rosaces multicolores répond (ou interpelle) une cathédrale trenkwalderienne qui tient du poële germanique.

lesage vitraux.jpg

Sans abuser de ces parentés de formes et de couleurs, l’expo favorise l’écho entre les deux œuvres. Façon de nous dire que chacun des artistes (on peut employer le terme pour Lesage qui a fait carrière) s’abreuve à une même source souterraine. Une source à laquelle Augustin accède par les voies d’un automatisme souverain et ingénu tandis qu’Elmar y touche par le recours à des stratégies patiemment calculées.

trenkwalder - lesage 6.jpg

Si cette trop belle expo nous apprend une chose, c’est que l’art brut génère sa propre compatibilité avec un certain art contemporain. Le confronter avec n’importe quelle production platement ordinaire sous prétexte qu’elle est d’aujourd’hui (ou hier) n’a d’autre intérêt que de faciliter sa consommation sur un marché international.

Se creuser le ciboulot pour découvrir les bons compagnonnages (il y en a), c’est ça le truc. Même si on triche un peu. Car, si j’ai bien compris, non seulement Trenkwalder connaissait Lesage avant de participer à ce pacsage mais son travail semble payer tribut au médiumnisme. Voir par exemple ci-dessous WVZ87, tumultueux dessin inclus dans un cadre meringué façon pâtisserie viennoise exaspérée.

triptyque.jpg

Toutes les photos sont tirées du catalogue et/ou du dossier de presse

01:02 Publié dans Expos, Oniric Rubric | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : art brut, augustin lesage, elmar trenkwalder | |  Imprimer | | Pin it! |

16.06.2008

Art brut : découverte d’un nouveau créateur en Sicile

81 palermo centrale.jpg
© Boris Piot

Sans vouloir me vanter (hum, hum !...), Animula est une belle chose. Ce blogue, je me dis des fois que c’est bête que je le fasse parce que j’aurais aimé le lire. Tout particulièrement quand un Animulien généreux du genre de Boris Piot me confie, pour publication immédiate, des images d’une force 10 sur l’échelle de l’art brut comme celle de ce créateur sicilien dont je vous ai déjà montré les sensationnelles réalisations murales récemment.

annofrio pina nina.jpg
figure verte.jpg

© Boris Piot

Cet exceptionnel «crayonneur» -comme vous dîtes– oui, je l’ai rencontré cher Boris, je vous le confirme. Et grâce à vous, faites pas le modeste, puisque c’est vous qui m’aviez mise sur sa piste quand vous êtes tombé (aïe) sur les élucubrations de votre petite âme errante, il y a de ça environ 3 mois.

palermo udine brindisi.jpg
Galione spagnolo.jpg

© Boris Piot

C’est vrai que le travail de cet homme talentueux (par nature), fruste et fragile, «mérite attention», comme vous l’écrivez dans votre com du 10 juin. «Attention» et même plus car vous vous doutez bien que nous nous trouvons là devant un authentique grand cas d’art brut.

testa sitimento carne.jpg

© Boris Piot

Avec le cortège de difficultés habituelles : nécessité de pas nuire en voulant bien faire, prise en compte du contexte et de la situation précaire où se trouve placé le personnage, recherche des bons moyens d’éclairer l’œuvre alors même que son créateur n’en manifeste pas le besoin. Du boulot sur la planche, quoi !

pied bleu.jpg

© Boris Piot

Mais rassurez-vous, scrupuleux B.P., cette découverte n’est d’ores et déjà pas passée inaperçue et les murs de Giovanni (il ne vous avait pas dit son prénom, à moi, si) ont bel et bien suscité de l’attention et même de la passion e-mailesque dans le petit club d’Ani. Pas de risque que mes correspondants, filles et garçons, passent donc à côté de vos photos de dessins réalisés aux feutres de couleurs, tantôt sur des supports de fortune et tantôt sur beau papelard quand il y en a.

carnet.jpg

© Boris Piot

Qu’admirer de plus de l’autorité, de l’innocence, de l’originalité de ces compositions ? A eux de le dire. Ou de le penser.

specchio.jpg
© Boris Piot

Pour moi, c’est sans conteste pur jus d’art authentique et je suis prête à griffer le visage du premier qui dirait le contraire.

Carne.jpg

© Boris Piot

22:58 Publié dans Ailleurs, Glanures, Images, Vagabondages | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : art brut, giovanni bosco | |  Imprimer | | Pin it! |

15.06.2008

C’est l’Impaire que je préfère

projet.jpg
Si vous aimez, au fond des vieux quartiers, les cours pavées (de bonnes intentions), les lieux discrets, à l’écart du bruit des rues parisiennes, vous aimerez, près du canal Saint-Martin, la Galerie Impaire qui vient d’ouvrir ses portes comme on ouvre son cœur à des amis. Si vous êtes sensibles à la poésie d’une table rose sur laquelle on sert du vin blanc, de la crème fraîche et des canapés au saumon, les jours de preview, vous êtes faits pour la Galerie Impaire qui nous vient de la Côte ouest des Etats-Unis.
cour galerie 1.jpg

Des merles, des enfants qui courent, une cheminée d’usine surplombant, comme un phare, ce joli hâvre «voué à l’art brut qui s’attache aussi à accueillir des artistes du monde entier» (communiqué de presse) et le décor est planté.
Avec la Galerie Impaire, le Creative Growth Art Center d’Oakland (voir mon post du 29 avril 2007 : Montreuil, California) a choisi d’installer son antenne européenne dans notre capitale. Vive les Américains quand ils ont des idées pareilles! Qu’on ne nous dise pas qu’ils n’aiment pas la France.

Tom di Maria.jpgTom di Maria, le directeur du Creative Growth, qui fait des efforts de lion pour parler notre langue, administre la preuve du contraire. Il prévoit de venir chez nous plusieurs fois par an pour dorloter les expositions qu’il compte y monter régulièrement.

invit impaire recto.jpg
Bientôt ce seront des expos Japon et Nouvelle Zélande mais à tout seigneur, tout honneur : la première d’entre elle, qui a débuté le 12 juin 2008, offre au public de notre pays, un bouquet de vedettes Growth-Art-Centeriennes : Dwight Mackintosh, Dan Miller, Donald Mitchell, Aurie Ramirez, Judith Scott.
invit impaire verso.jpg

A ces créateurs confirmés s’ajoutent des nouveaux que votre petite âme errante ne connaissait pas : George Wilson et Kerry Damianakes. De ce dernier j’ai aimé le poisson au rouge à lèvres et les «turkey sandwiss cheese and tomato and mushrom…» aux formes si éloquemment réduites à l’essentiel.

poissons.jpg
sandwich.jpg

 Kerry Damianakes

Les œuvres sont accrochées dans la salle de bal. J’appelle ainsi l’espace principal de la galerie à cause de son parquet blond. Cette salle de belle proportion, sans être gigantesque, est flanquée de deux ailes.

salle de bal.jpg

salle photos 1.jpgL’une, où Cheryl Dunn, une photographe new yorkaise, montre une série de portraits du Creative Growth, servira plus tard à exposer des œuvres d’artistes contemporains.

L’autre qui constitue un bureau-boutique très sympa. On peut y acheter des bouquins, des T-shirts et choisir, pour des sommes pas faramineuses (mais suffisantes pour engendrer chez l’acheteur le respect du travail des créateurs) des œuvres de qualité. «La galerie dispose également d’une chambre qui servira de résidence aux artistes de passage».

voiture jaune.jpg

 Dwight Mackintosh

C’est que souffle à Paris, l’esprit californien de la Maison mère. On sent qu’il a fallu des tonnes d’énergie pour aboutir à ce miracle inattendu : a «Paris-art gallery, exhibiting the artwork of artists with disabilities, self-taugt artists from around the world». Il reste à améliorer la communication : ça manque un peu de cartels et je ne suis pas sûre que le terme «artistes handicapés autodidactes» soit très heureux.

DSC04311.JPG

 Judith Scott (détail)

A voir l’autorité plastique qui se dégage des dessins et peintures présentées 47 rue de Lancry, c’est plutôt nous qui nous sentons handicapés. Mais la gracieuse décontraction qui accompagne si bien la compétence et le respect qui règnent chez Impaire, pourvu qu’elle «doure» comme disait la maman de Napoléon !  

 


 

00:31 Publié dans Expos | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : art brut, dwight mackintosh, kerry damianakes, judith scott, daniel miller | |  Imprimer | | Pin it! |

11.06.2008

Souvenirs de Franc Barret

yéti barret.jpg

Avec le retour des chaleurs, plutôt que du giron de son chéri qui colle, on rêve aux bras glacés de l’abominable homme des neiges. Pas le grand escogriffe de Tintin au Tibet qu’un éclair de flash intimide mais le sauvage, le fier et même le tout à fait farouche Yéti de la ferme Barret à Pineuilh dans la Gironde, près de Sainte-Foy-la-Grande. Ce monstre au corps couvert de barbe de maïs était sorti, avec ses crocs carnassiers, non de l’imagination, mais bien des rêves affreux de Franc Barret.

la Goubière.jpg

Agriculteur le jour, Franc (ou Franck comme on le voit écrit maintenant) occupait ses nuits à pétrir l’argile et à modeler des sujets qu’il décorait selon ses conceptions d’autodidacte en matière d’histoire, de zoologie, d’art et de science-fiction de série B. Cela a l’air marrant et pourtant c’était loin de l’être. Franc Barret n’était pas le genre de gars à se couler dans les pantoufles d’une singularité pépère. Il aimait le poil, les vampires ensanglantés et les chaînes. Sa création le consumait. Il maigrissait à vue d’œil.

franc barret.jpg

Le musée bizarre qu’il avait installé chez lui pour mettre en scène, pêle-mêle, son Vercingétorix, sa sainte Blandine, son panorama de Lourdes, son homme de Néanderthal ou son Martien, tenait tout à la fois du jardin des plantes, du museum d’histoire naturelle, d’un cabinet de fétichiste et d’une réserve de maquettes. Il faisait peur, même aux gendarmes.

martien Barret.jpg
sainte famille Barret.jpg

On y respirait un parfum d’inconscient chaud bouillant, distillé à partir des moyens les plus simples : insomnie, petit maillet en bois, aiguille, vieux rayon de bicyclette. Cocktail de bricolage et  d’inspiration impérieuse !
«Une force irrésistible le jette au bas de son lit, les rêves se transforment chez lui en réalité. Il voit son œuvre s’ébaucher et ses mains opérer».

Je pique ces lignes à un article du journaliste Geo Sandry, auteur de livres sur l’argot. On peut pas dire qu’elles courent les rues les couv info art 55.jpgpublications où il est question de Franc Barret! Cet article introuvable m’a été signalé par un Animulien collectionneur fatal. Il est paru vers 1957 dans une petite revue conservatrice (on y flingue la jeune action-painting américaine) : L’Information artistique, n°55.

 
Je sais pas qui est ce Maurice Doriant qui a donné 8 de ses photos (abominablement reproduites hélas !) pour accompagner le texte de Sandry mais ce Géo «Trouvetout» a visiblement Franc Barret à la bonne. Il décrit bien le «climat permanent de souffrance» où vivait le sculpteur et «les cinq minutes de joie explosive» qu’il ressentait quand il avait terminé une œuvre.

femme enchaînée.jpg

Le grand mérite de Géo Sandry est de nous restituer les propos du paysan-créateur : «Je marche au radar. Une voix qui est en moi, me commande et j’agis (…). Et c’est ainsi que, par une sorte d’automatisme, en obéissant à cette voix, j’arrive à reproduire les formes et à donner l’expression».
C’est sans doute en raison de ce caractère vivant que son reportage a servi de source aux 3 pages (illustrées d’une photo de Ch. Stroh) qu’Anatole Jakovsky a consacré à Franc Barret dans son livre en allemand Damönen und Wunder.

homme des neiges.jpg